Une balade en canot s’est terminée de façon tragique pour un père de famille atteint de la maladie de Parkinson jeudi à Sainte-Christine-d’Auvergne, dans Portneuf. Marc Bergeron, un ingénieur-géologue de 45 ans, a été retrouvé mort hier matin dans les rochers des berges de la rivière Sainte-Anne.L'homme, recherché par les autorités depuis 17h vendredi, aurait été localisé par un hélicoptère de la Sûreté du Québec hier vers 10h. Les pompiers ont repêché le corps qui gisait face contre l’eau à 100 mètres en aval de son embarcation.
Fait déroutant, un citoyen de la petite municipalité aurait constaté qu’il était en difficulté sans lui venir en aide ou contacter les services d’urgence.
«Un résidant l’aurait vu chavirer jeudi», affirme Bobby Paquet, des pompiers de Saint-Basile. «Il aurait dit aux enquêteurs qu’“il avait l’air épuisé, mais il va sûrement reprendre son souffle”.»
La Sûreté du Québec a corroboré cette information, en ajoutant que le citoyen aurait cru que l’homme maîtrisait la situation.
Margot Crête, une résidante de Sainte-Christine-d’Auvergne qui prenait soin de l’homme malade depuis un an, a aidé Marc Bergeron à préparer son expédition.
«Je suis allée installer les coussins dans son canot et je l’ai aidé à tout préparer», explique la femme de 54 ans. «Avant de partir, vers 2h, je lui ai dit : Marc, tu ne feras pas trop de rapides? Et il m’a répondu : “Je te promets que je ne ferai pas de conneries.”»
Margot Crête aurait tenté de joindre Marc Bergeron le soir et le lendemain matin, en vain. Comme elle n’avait pas de signe de vie, elle s’est rendue à son domicile après son travail vendredi.
«Je suis passée chez lui vers 2h30. La porte était débarrée et en entrant j’ai vu que ses médicaments de jeudi soir et de vendredi étaient encore là. C’est là que je me suis dit qu’il s’était produit quelque chose de grave. J’ai donc appelé le 9-1-1.»
RecherchesLa Sûreté du Québec et les pompiers de la région ont commencé les recherches sur la rivière vers 17h, mais les ont interrompues la nuit tombée. C’est un hélicoptère de la Sûreté du Québec qui a localisé le canot mauve de huit pieds hier matin vers 8h. Deux heures plus tard, le corps était retrouvé.
L’hypothèse privilégiée par les autorités est celle de la noyade. Les pompiers de Saint-Basile croient que Marc Bergeron serait tombé de son embarcation en début de parcours et aurait descendu la rivière sur une distance de cinq à six kilomètres avant de s’échouer. À quel point du trajet serait-il mort? «On ne le saura probablement jamais», dit le pompier Bobby Paquet.
Passé suicidaire?Selon Margot Crête et son fils de 22 ans qui était ami avec Marc Bergeron, Olivier Crête-Cyr, le canoteur aurait rédigé des propos inquiétants sur un forum de discussion sur Internet il y a environ six mois. Épuisé par sa maladie, l’homme qui souffrait de Parkinson depuis 12 ans aurait affirmé vouloir se tirer à l’eau. Les dirigeants européens du site sur le Parkinson auraient alerté les policiers du Québec, qui se sont présentés chez lui pour l’interroger.
«C’était juste une façon pour lui d’attirer l’attention, croit Margot Crête. Il était en attente d’une opération depuis longtemps et ils n’arrêtaient pas de la repousser. Ça le frustrait parce que ça brimait sa qualité de vie. Il avait tellement hâte de pouvoir s’occuper de ses enfants.»
Pour l’instant, la Sûreté du Québec écarte la possibilité d’un suicide. «Les hypothèses soulevées sont celles d’une perte de contrôle due à un malaise ou d’un accident en raison du débit élevé de la rivière», indique une porte-parole de la Sûreté du Québec, Martine Isabelle.
Visiblement ébranlée hier avant de partir pour la morgue afin d’identifier le corps de celui qui est devenu son confident, Margot Crête a tenu à spécifier que le père d’un garçon de neuf ans et d’une fille de 11 ans était un véritable combattant. «C’était vraiment une bonne personne... C’était un homme enjoué, qui aimait faire des farces. Un vrai bon vivant», conclut-elle.
Emporté alors qu'il pratiquait sa passionMarc Bergeron est mort en faisant ce qu’il aimait le plus dans la vie, croient ses proches. L’homme de 45 ans entretenait non seulement une véritable passion envers le canot, il considérait la maladie de Parkinson dont il était atteint comme une rivière à affronter.
«Sa vie, c’était le canot», explique son ami Olivier Crête-Cyr. «Dans un sens, je crois qu’il n’est pas mort triste, parce qu’il était sur la rivière», dit-il.
Marc Bergeron entretenait même un site Internet sur sa passion intitulé
La rivière de la maladie Parkinson. On y découvre son amour pour le sport.
«J’ai toujours été fasciné par les rivières... En les parcourant, j’ai appris et ressenti bien des choses, écrit-il.
«À l’âge de 33 ans, la rivière joyeuse sur laquelle je naviguais jusque-là s’est fondue dans une autre... Dès le confluent, j’ai compris que ce nouveau tronçon de rivière serait redoutable et parsemé de nouveaux obstacles dont je ne pouvais pas encore déterminer le niveau de difficulté. J’étais arrivé sur la rivière de la maladie de Parkinson.»
Lorsqu’il est parti pour sa randonnée jeudi après-midi, Marc Bergeron était bien préparé. «Il était très équipé lors de sa randonnée», confirme un porte-parole de la Sûreté du Québec. «Il était muni d’une veste de sauvetage, d’un casque et d’un wet suit.»
L’homme pratiquait également le sport depuis de nombreuses années, comme en témoigne son site Web.
«Il y a plus de 25 ans que je descends des rivières, j’ai parcouru des milliers de kilomètres sur les cours d’eau — du Québec, essentiellement —, le plus souvent en canot, mais aussi en radeau pneumatique, en kayak ou même parfois en “rien-du-tout”... Je n’ai pas compté, mais cela représente probablement des millions de coups de pagaie!»
Lorsqu’il s’est séparé de sa conjointe il y a environ trois ans, Marc Bergeron aurait déménagé à Sainte-Christine-d’Auvergne expressément pour venir pratiquer son sport sur la rivière Sainte-Anne, car au fil du temps, sa passion est devenue son
leitmotiv.
«Dans la nature silencieuse, j’ai ainsi passé de longues heures à pagayer, souvent un peu mécaniquement. Dans ces moments propices à l’introspection, j’ai réalisé que la vie ressemblait beaucoup à une rivière.»