Pour la première fois depuis 50 ans, la gestion du débit du fleuve sera modifiée pour tenir compte de l'environnement, si le «Plan 2007» que la Commission mixte internationale (CMI) a dévoilé hier est adopté. Les niveaux de l'eau pourront varier plus qu'actuellement, ce qui favorisera la biodiversité, surtout en amont du barrage de Massena, près de Cornwall.L'impact sur la portion québécoise du fleuve se fera sentir en cas de conditions extrêmes.
«Une fois tous les 20 à 30 ans, lorsque l'eau atteint un niveau faible dans le lac Ontario, le Plan 2007 maintiendra des niveaux moins élevés que (selon le plan de gestion actuel), affirme la Commission. Ces niveaux sont plus proches de ceux qui auraient été enregistrés en conditions naturelles.»
Selon le scénario proposé, pendant ces années d'exception, on permettrait au niveau du fleuve de baisser plus bas qu'actuellement pendant les mois de mai, juin, juillet et août. Mais pendant une année normale, le niveau serait légèrement plus élevé qu'actuellement pendant ces mêmes mois.
Le Plan 2007 comporte peu d'avantages environnementaux pour la portion québécoise du fleuve. En fait, une espèce menacée de poisson, le dard de sable, verra son sort s'améliorer, tandis que, paradoxalement, l'abondance des poissons de milieux humides pourrait souffrir du nouveau régime proposé.
L'objectif environnemental principal de toute cette démarche lancée en 2000 par la Commission mixte internationale est de restaurer des milieux humides en amont de Cornwall, jusqu'au lac Ontario. En faisant varier plus amplement le niveau sur cette section du fleuve, on ferait renaître des habitats de plaines inondables, qui ont disparu depuis la construction du barrage de Massena, en 1958.
«Depuis 50 ans, les gens ont fait pression sur la Commission pour réduire les variations de niveau d'eau dans le lac Ontario, a affirmé hier David Fay, de la CMI. Cela a nui à l'environnement.»
L'annonce d'hier fait suite à des consultations menées en 2006 et à une étude scientifique sur cinq ans qui a coûté 20 millions.
La CMI rejette la proposition appelée B+, la plus écologique, qui aurait permis des écarts encore plus grands entre la crue et l'étiage, faute de moyens pour en atténuer les impacts sur la navigation et les riverains.
«Nous ne pouvions mettre en oeuvre (le plan B+) sans l'annonce de mesures d'atténuation de la part des gouvernements de New York, de l'Ontario et du Québec», a affirmé hier Irene Brooks, coprésidente de la CMI.
Selon l'analyse des impacts du nouveau plan, tous les usagers du fleuve sortent gagnants ou sans subir de conséquence négative, sauf les plaisanciers en amont de Cornwall.
La CMI ne prévoit pas d'impact sur la qualité d'approvisionnement des prises d'eau municipales.
Pour la Voie maritime, les impacts négatifs seront limités. «Il y aurait des niveaux plus bas et ils dureraient plus longtemps que dans le plan existant, mais ils sont moins aigus que dans les autres scénarios», dit Luc Lefebvre, chef des services opérationnels à la Voie Maritime du Saint-Laurent.
Le Plan 2007 sera soumis aux consultations publiques pour 90 jours. Il y aura des séances d'information suivies d'audiences à Montréal et à Sorel.
«Un travail rigoureux a été fait mais le plan n'est pas parfait, dit Marc Hudon, directeur du programme Saint-Laurent et Grands Lacs à Nature Québec. On a 90 jours pour le bonifier en protégeant les usages chez nous.»