La baleine à bosse qui a suscité curiosité et émotion pendant une semaine dans la région de Montréal serait probablement morte frappée par un navire, selon les résultats préliminaires de l’analyse de la dépouille du cétacé réalisée ce mercredi. Il faut dire que la jeune femelle nageait directement dans la voie maritime dans les heures ont précédé son décès.
L’examen vétérinaire « suggère fortement que l’animal a été frappé » par un bateau, a souligné d’entrée de jeu le vétérinaire Stéphane Lair, spécialiste de ce type d’examen post-mortem sur les mammifères marins. Plus tôt en journée, il avait aussi évoqué une possible « morte subite » pour cet animal égaré.
Le Dr Lair a ainsi noté la présence de zones d’hémorragies qui laissent croire qu’un choc violent aurait pu provoquer la mort de cette baleine. Toutefois, a-t-il souligné en point de presse, le diagnostic n’est pas définitif et il devra être confirmé par un rapport final. Celui-ci n’est pas attendu avant quelques semaines.
Chose certaine, avant d’être retrouvée morte en aval de l’île de Montréal mardi matin, la baleine était « en bonne condition » physique, a-t-il constaté avec son équipe, qui a réalisé la nécropsie à Sainte-Anne-de-Sorel. Aucun poisson n’a été retrouvé dans son estomac, mais rien ne suggère que la baleine aurait eu des difficultés à s’alimenter, dans des conditions normales.
Stéphane Lair n’a pas non plus, pour le moment, détecté la présence d’une maladie ou d’une infection qui pourrait expliquer que cette baleine a remonté le cours du Saint-Laurent sur plus de 400 kilomètres en dehors de son habitat naturel.
La baleine, une jeune femelle de 10,2 mètres, pour un poids de 17 tonnes, semblait toujours très dynamique samedi soir, alors qu’elle nageait près du pont Jacques-Cartier, entre l’île Notre-Dame et l’île Sainte-Hélène. La dernière observation de cette baleine vivante remontait à dimanche, en fin d’avant-midi, près de Pointe-aux-Trembles. Elle était alors directement dans la très étroite voie maritime, soit dans le secteur de navigation des nombreux cargos, vraquiers, porte-conteneurs et pétroliers qui descendent ou remontent le fleuve Saint-Laurent.
Dans la voie maritime
Au cours des derniers jours, tant le Port de Montréal que Transport Canada ont indiqué qu’ils avaient émis des « avis » à la navigation, en raison de la présence de la baleine dans la région de Montréal.
Le directeur scientifique du Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins, Robert Michaud, a d’ailleurs dit mercredi que les communications étaient efficaces entre les différents intervenants impliqués dans le dossier. Il a néanmoins admis que la « cohabitation » entre les baleines et les quelque 7000 navires qui naviguent chaque année sur le Saint-Laurent demeure « un grand enjeu ».
Avant de pouvoir se prononcer de façon formelle sur les causes précises ou probables du décès de cette baleine à bosse, l’équipe de Stéphane Lair doit mener différentes analyses sur les éléments retirés de la dépouille du cétacé. Ces analyses devraient notamment permettre de préciser la nature des possibles « hémorragies » constatées mercredi, dans le cadre de la nécropsie.
Stéphane Lair a aussi rappelé aussi que la population de baleines à bosse est en forte augmentation, depuis l’arrêt de la chasse commerciale qui a failli exterminer l’espèce. « C’est une histoire de succès, mais plus il y a de baleineaux, plus il y a de chances que l’un d’eux prenne de mauvaises décisions. »
Selon l’évaluation de la population disponible auprès du gouvernement fédéral, la population de baleines à bosse de l’Atlantique Nord-Ouest, à laquelle appartenait la baleine présente à Montréal), est estimée à 4000 individus. Elle est classée « non en péril ».
Baleine populaire
Même si elle n’appartient pas à une population menacée, cette jeune baleine a toutefois suscité une grande curiosité et plusieurs questions au cours des derniers jours. Pendant une semaine, des centaines de curieux se sont pressés chaque jour au quai de l’Horloge, ou encore sur l’île Sainte-Hélène et l’île Notre-Dame, afin d’observer cette baleine visible très près du rivage. L’animal multipliait d’ailleurs les comportements spectaculaires, dont des dizaines de sauts hors de l’eau. Et beaucoup se demandaient si elle retrouverait un jour le chemin de son habitat estival naturel.
Chaque année, des cétacés sont tués dans l’estuaire et le golfe du Saint-Laurent, principalement en raison d’empêtrements dans des engins de pêche ou parce qu’ils sont frappés par des navires commerciaux. La quasi-totalité de ces cas ne sont jamais médiatisés, voire jamais rapportés. Ils concernent pourtant parfois des espèces en voie de disparition, comme le rorqual bleu, dont la population adulte est estimée à seulement 250 individus.
Depuis 2017, pas moins de 20 baleines noires ont également été retrouvées mortes dans le golfe du Saint-Laurent. Certaines avaient été frappées par des navires, tandis que d’autres sont mortes des suites d’un empêtrement dans des engins de pêche. Ces mortalités records ont forcé le gouvernement fédéral à mettre en place des mesures de protection pour cette espèce, qui ne compte pas plus de 400 individus. Sans ces mesures de protection, les pêcheurs canadiens risqueraient de se voir refuser l’accès au lucratif marché américain.