Cacouna
Les détonations de plus de 200
décibels ont résonné dans le fleuve au large de Cacouna. Du 25 au 30
avril dernier, la compagnie TransCanada réalisait des levés sismiques en
vertu d'un permis délivré par Pêches et Océans Canada. Ce sondage du
fond marin est nécessaire à la construction du port pétrolier qui fait
partie de son projet d'oléoduc Énergie Est,
un projet encore non confirmé. Ce secteur est au cœur de la pouponnière
de bélugas, dont la période de naissance se tient, en principe, début
mai. Ensemble s'est rendu sur place, en kayak.
Ces travaux ont été réalisés avant toute consultation de la
population, avant les assemblées du Bureau d'audiences publiques sur
l'environnement (BAPE), et surtout avant même de savoir si l'oléoduc et
son port pétrolier seront bel et bien construits. De nombreux citoyens
ont vertement dénoncé cette façon de faire, ainsi que le projet
lui-même. Une manifestation tenue le 27 avril dernier à Cacouna a réuni
près de 500 personnes dans ce village d'à peine 2000 habitants.
Le député fédéral de Haute-Gaspésie - La Mitis - Matane - Matapédia,
Jean-François Fortin, a pris part à cette marche de l'église de Cacouna
jusqu'au port de mer visé par le projet. Il voit chez le gouvernement
Harper «une volonté de promouvoir les projets énergétiques, mais
aussi une incapacité réelle de Pêches et Océan Canada de conduire de
véritables études environnementales. On a mis à la porte des
scientifiques et on a fermé les laboratoires. C'est une stratégie
concertée, à mon avis, qui vise à affaiblir notre capacité à réagir et à
protéger notre environnement.»
La chasse au béluga
«Ce n'est que le début de manifestations et d'actions pour
dénoncer ce type de travaux et les projets qui y sont associés, celui de
terminal et l'autre grand projet, celui de pipeline de TransCanada Énergie Est, a prévenu Christian Simard, directeur général de Nature Québec. La
loi sur les espèces en péril interdit de chasser le béluga. Chasser, ça
veut dire aussi le harceler, le prendre, le menacer, le poursuivre.
Actuellement, TransCanada a ouvert la chasse au béluga du Saint-Laurent.
C'est interdit et ça ne doit pas se faire.»
Près de 500 personnes ont manifesté contre le projet de terminal pétrolier de TransCanada à Cacouna, le 27 avril dernier.
Photo: Nicolas Falcimaigne
Un représentant de TransCanada chargé des études d'impact
environnemental a confirmé que l'exposition au bruit des levés sismiques
entraînerait «la surdité» aux mammifères marins qui seraient à
proximité. La zone d'alerte est de 3 km autour du bateau, qui ne peut
procéder si un béluga se trouve dans un rayon de 500 m. Les autres
mammifères marins seraient tout aussi affectés, mais ces précautions ne
sont imposées que pour les espèces dites «en péril». Les
phoques communs observés lors de nos sorties sur le fleuve dans la zone
des travaux sont donc ignorés par la surveillance, dont le mandat a été
confié au Réseau d'observation des mammifères marins (ROMM).
Profits privés, risques publics
Le porte-parole de TransCanada pour le projet d'Oléoduc Énergie Est,
Philippe Cannon, a pour sa part refusé de révéler le montant prévu des
profits annuels à la clé de ce projet de 12 milliards de dollars pour la
compagnie privée. L'oléoduc projeté traversera le Québec, franchissant
la rivière des Outaouais et le fleuve Saint-Laurent, pour acheminer le
pétrole des sables bitumineux de l'Alberta aux raffineries de Montréal,
de Québec et de Saint-John au Nouveau-Brunswick, ainsi qu'aux lucratifs
marchés d'exportation.
«Coule pas chez nous», ont brandi les manifestants contre l'oléoduc et le port pétrolier.
Photo: Nicolas Falcimaigne
Ces projets d'infrastructures sont motivés par la forte consommation
de pétrole et par sa vente à l'étranger, qui dope l'économie du Canada.
«On ne pourra pas s'en sortir tout seuls. C'est un effort collectif qui
va probablement prendre beaucoup de temps, mais on garde espoir que ça
va se faire, et qu'on pourra un jour tous se libérer de notre dépendance
au pétrole», a lancé Jason Rivest, porte-parole des Pétroliques
Anonymes, un groupe militant de Rivière-du-Loup.
Une pancarte a trouvé un nouveau sens à sa vie, sur le chemin du port de Gros-Cacouna.
Photo: Nicolas Falcimaigne