Une entreprise japonaise a eu l’idée de vendre des biscuits pour chiens
fabriqués avec de la viande de rorqual commun, une espèce de baleine
menacée de disparition.
Sur son site web, Michinoku Farm vante ses biscuits en précisant que
cette viande est bonne pour la santé des chiens, car elle est «basse en
calorie, pauvre en graisse, et riche en protéines». L’entreprise propose
ainsi ses biscuits destinés à une clientèle fortunée à 37$ les 500
grammes. On peut aussi acheter un sachet de 60 grammes.
«Les chiens sont comme des membres de la famille pour plusieurs
personnes au Japon. Nous voulions simplement vendre une plus grande
variété de nourriture pour chiens», s’est défendu le président Michinoku
Farm, Takuma Konno. «[Les écologistes] considèrent que les baleines
sont des animaux importants, mais nous considérons que les chiens sont
aussi importants», a-t-il ajouté. M. Konno a toutefois dit songer à
retirer le produit de la vente.
Pour le groupe Ikan, l’une des associations japonaises qui est tombée
sur cette publicité et a révélé l’histoire, c’est le summum de
l’abomination: «la raison la plus probable pour que des boutiques
vendent de tels biscuits, c’est viser une clientèle friquée qui veut
uniquement montrer son argent en achetant ça», a expliqué mardi à
l’Agence France-Presse Nanami Kurasawa, responsable de cette
organisation.
«Chasse commerciale»
Il faut dire que ces gâteries destinées aux chiens sont faites à base
de chair de rorqual commun d’Atlantique Nord. Cette viande provient
d’animaux mis à mort par les baleiniers islandais. L’Islande est en
effet, avec la Norvège, le seul pays à pratiquer ouvertement une chasse
«commerciale» à la baleine. Le pays rejette le moratoire mis en place
par la Commission baleinière internationale depuis 1986. L’Islande
considère qu’elle mène une chasse légale et durable, basée sur des
données scientifiques.
Après deux années d’interruption, le pays a d’ailleurs annoncé
récemment qu’elle lancera en juin une nouvelle campagne de chasse. Deux
navires doivent lever l’ancre pour aller harponner un total de 154
rorquals communs, une espèce considérée comme menacée de disparition.
Les animaux abattus seront essentiellement exportés au Japon. La
demande pour la viande de baleine a fortement diminué au cours des
dernières décennies dans ce pays. Tokyo ne ménage d’ailleurs pas les
efforts pour tenter de stimuler la demande, puisque le pays est pris
avec d’importants stocks de viande invendus. « C’est une longue
tradition historique. Nous n’avons jamais dit que tout le monde devait
manger de la baleine. Nous avons cette culture et vous ne l’avez pas »,
soulignait en février dernier le ministre japonais de l’Agriculture et
de la Pêche, Yoshimasa Hayashi.
Espèce «en péril»
Les spécialistes des rorquals communs estiment que les évaluations de
la population de l’Atlantique Nord sont trop imprécises pour permettre
de déterminer le nombre d’individus. Ils seraient, au mieux, quelques
milliers. Au Canada, le deuxième plus animal de la planète est inscrit
sur la liste des espèces «en péril». Une partie de cette population
passe en effet plusieurs mois par année dans les eaux du Saint-Laurent.
Certains individus, qui peuvent atteindre près de 25 mètres, sont
observés depuis plus de 20 ans.
C’est essentiellement la chasse intensive menée au 20e siècle qui a
fait disparaître une bonne partie de l’espèce. Les rorquals communs sont
aujourd’hui confrontés à plusieurs menaces, dont la principale est la
pollution sonore causée par la navigation, l’exploration sismique, le
sonar militaire et le développement industriel.
Le Japon et l’Australie doivent par ailleurs croiser le fer en juin et
juillet devant la Cour internationale de Justice, qui a en effet accepté
d’entendre la plainte déposée par l’Australie en raison du programme de
chasse mené par Tokyo. Canberra, opposée depuis plusieurs années à la
chasse pratiquée par le Japon, a déposé une plainte officielle en mai
2010, après avoir tenté de négocier une réduction progressive des prises
annuelles dans les eaux ceinturant l’Antarctique. L’objectif avoué de
l’Australie est de mettre fin au programme de chasse japonais.
Les autorités japonaises font valoir que la chasse à la baleine est bel
et bien « scientifique ». « Le but des recherches du Japon est
scientifique, car c’est grâce à la science que, lorsque la pêche
commerciale sera de nouveau autorisée, elle sera respectueuse du
développement durable », réitérait récemment l’Institut japonais de
recherche sur les cétacés.
Avec l’Agence France-Presse