Les lamantins des Caraïbes sont mis à mal. Depuis le mois de
janvier, c’est une véritable hécatombe : ils se noient en masse. Le
responsable est l'algue planctonique Karenia brevis, qui alimente la marée rouge actuellement répandue dans le golfe du Mexique.
Depuis
les années 1960, la Bretagne est de plus en plus confrontée à des
proliférations d’algues qui affectent les plages. Elles sont appelées marées vertes par
analogie avec les marées noires, ces nappes de pétrole qui peuvent
arriver sur les côtes. C’est un bloom algal, une poussée de
phytoplancton stimulée par les rejets anthropiques de nitrates dans les
rivières qui se déversent dans l’océan Atlantique. Si on parle donc
souvent de marées vertes, la Floride connaît plutôt des marées rouges.
Elles sont causées par un organisme unicellulaire, Karenia brevis,
un dinoflagellé photosynthétique. Il produit des toxines, les
brévétoxines. Chez l’Homme, les brévétoxines peuvent être responsables
du NSP (Neurotoxic Shellfish Poisoning). Lorsqu’une personne mange des mollusques ayant eux-mêmes consommé ces algues rouges, elle peut développer des douleurs musculaires,
des nausées, des diarrhées, des maux de tête et une étonnante sensation
de chaud lorsqu’il touche un objet froid et inversement.
Aussi appelés vaches de mer, les lamantins sont de gros
mammifères herbivores. Le lamantin des Caraïbes est une espèce
particulièrement menacée, et qui a disparu de nombreuses îles des
Antilles. La principale cause de mortalité est la collision avec des
bateaux. © Ahodges7, cc by sa 3.0
Si cette toxine est rarement mortelle pour les êtres humains, on ne peut pas en dire autant pour les animaux marins.
Depuis le mois de janvier, ces algues sont responsables du décès de
plus de 170 lamantins. Sachant qu’il existe au plus 5.000 individus dans
le monde entier, il s’agit d’une réelle hécatombe. La consommation
d’algues les paralyse et les rend comateux. Ils sont alors capables de
se noyer dans cinq centimètres d’eau !
Blooms naturels de K. brevis
Un lamantin qui est intoxiqué à K. brevis montre
des problèmes de coordination et de stabilité dans l’eau. Il a des
contractions musculaires, mais surtout peine à soulever la tête pour
respirer. D’après la NOAA,
la brévétoxine a été impliquée dans des extinctions massives de
lamantins dans les années 1963, 1982, 1996, 2002 et surtout 2003,
qui est un record.
K. brevis n’est pas le seul organisme du phytoplancton à
causer des marées rouges, mais tous ne sont pas toxiques. Les blooms
algaux sont en augmentation partout dans le monde. L’augmentation de la
pollution aux nutriments stimule la croissance du phytoplancton. C’est
le cas pour la Bretagne, avec les nitrates par exemple. Mais la
situation au large de la Floride est un peu différente : les blooms de K. brevis se
produisent en général à une soixantaine de kilomètres des côtes,
l’apport par les fleuves de nutriments ne peut donc pas stimuler ces
blooms.
Le phénomène des marées rouges dans le golfe du Mexique est à l’origine complètement naturel. L’efflorescence de K. Brevis se
produit lorsque la température, les périodes d’ensoleillement et les
courants marins sont favorables. Toutefois, si ces blooms s’approchent
des côtes, comme actuellement en Floride, alors le rejet anthropique de
nutriments peut contribuer au maintien de la prolifération.
Par Delphine Bossy, Futura-Sciences
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