Recherche et sauvetage marin à Halifax: «Mon français n'est pas très bien»
Pierre-Olivier Fortin - Le Soleil - Soumis le 22 Mars 2013, 23:02

(Québec) Avec la fermeture du centre de recherche et sauvetage de Québec, le printemps prochain, les appels de détresse en provenance du fleuve Saint-Laurent seront traités à Trenton ou à Halifax. Si le ministre des Pêches et des Océans, Keith Ashfield, assure que les services seront toujours bilingues, les plaisanciers sont loin d'être convaincus. Et les vérifications faites par Le Soleil, vendredi, n'ont rien pour les rassurer.

«Coordination Centre Trenton Marine controller», répond notre interlocuteur au téléphone. Le Soleil demande, en français, de l'information sur les marées à Québec. «Juste un moment, s'il vous plaît.» Bien qu'il s'agisse d'un centre de répartition des appels d'urgence, il a fallu pas moins de 31 secondes pour qu'un contrôleur bilingue prenne notre appel. On nous indique finalement qu'il faut s'adresser au centre de Québec.

Même scénario à Halifax, mais en plus compliqué. Le premier contrôleur met notre appel en attente pour s'adresser à ses collègues. «Quelqu'un parle français ici?» Un second employé décroche. Le journaliste pose la même question sur les marées, mais le contrôleur n'y comprend rien. «La marée? [...] Excusez-moi, mon français n'est pas très bien», admet l'homme au bout du fil. Lui aussi s'adresse à ses collègues : «Je ne comprends pas le mot qu'il demande», dit-il. Deux minutes quinze secondes se sont écoulées depuis le début de l'appel. Un troisième contrôleur, qui parle bien français, arrive en renfort. Il souligne poliment qu'il s'agit d'un centre d'appels d'urgence et qu'il vaudrait mieux faire nos recherches sur Internet...

Le Soleil a tout de même demandé si le centre de Halifax pouvait récupérer la clientèle francophone du Québec. «C'est un gros changement, dit-il, on n'a pas d'autres nouvelles.» Déjà, quelques contrôleurs peuvent s'exprimer en français, «mais ça va tout changer, évidemment», nous assure-t-on.

Compressions budgétaires

La fermeture des centres de Québec et de St. John's fait partie d'une série de compressions budgétaires annoncées dans le plus récent budget fédéral. Selon le ministre Ashfield, les nouvelles technologies permettent de fusionner les centres d'appels sans compromettre la sécurité sur le fleuve.

Cette décision, «on la déplore», indique André Huot, président de la Fédération de voile du Québec, «mais on ne va pas déchirer notre linge». Il précise que les marins en détresse, à Québec, pourront toujours contacter les garde-côtes locaux par les ondes radio. Ces derniers feront le relais avec Halifax ou Trenton si une intervention est nécessaire. Il admet toutefois que les garde-côtes devront redoubler d'efforts pour expliquer la situation aux contrôleurs postés des centaines de kilomètres plus loin. «L'employé de la garde côtière [...] va devoir simplifier et expliquer les choses de la vie pour la personne à l'autre bout», illustre le passionné de voile.

Au bassin Louise, peu de plaisanciers étaient au courant de la décision, hier. Ceux qui en avaient entendu parler déploraient le manque d'information. «C'est sûr que si j'appelle, dans une situation de détresse, pis que ça répond à Halifax, je vois rien de bon là», tranche Claude Soucy sur son 27 pieds. «Quand tu parles à des gens comme aux Escoumins, ou à Québec, c'est des gens de la place, ils connaissent très bien le fleuve. Mais si j'appelle à Halifax... Premièrement, ce monde-là, ils vont nous répondre en anglais, on n'est pas naïfs.»

Sur le forum Voile abordable, plusieurs plaisanciers s'inquiètent également. «Personnellement, je trouve ça désolant et très inquiétant, déplore un des membres. Une grande perte pour la plaisance au Québec. La qualité des services va en souffrir grandement. Quand on connaît le piètre résultat de la politique du bilinguisme canadien, vaut mieux ne pas faire naufrage.»

Moins précis

Rappelons qu'en 2008, le Commissaire aux langues officielles avait critiqué la Garde côtière canadienne à la suite du naufrage de l'Acadien II, qui avait coûté la vie à quatre Madelinots. Bien que les échanges entre les marins et les garde-côtes de Sydney, en Nouvelle-Écosse, se soient déroulés en français, il est ressorti de l'enquête que les conversations en français étaient généralement moins précises que celles en anglais.

À Québec, la Garde côtière redirige les demandes d'information dans ce dossier au ministère des Pêches et des Océans à Ottawa. Dans un bref courriel qui omettait les questions du Soleil sur la langue, la porte-parole Mélanie Carkner souligne que la fusion ne se traduira par «aucune diminution de l'excellent service» offert pas la Garde côtière.

Mme Carkner rappelle également que les bateaux et les hélicoptères resteront là où ils sont basés actuellement. Elle ajoute que «la Garde côtière canadienne veillera à ce que toutes les stratégies appropriées, comme celles ayant trait au recrutement et à la formation, soient en place pour s'assurer que les importantes connaissances locales soient préservées. Dans la mesure du possible, les employés touchés se verront offrir un déploiement ou une relocalisation».


Source: http://www.lapresse.ca/le-soleil/actualites/politique/201106/10/01-4408236-recherche-et-sa...
Soumis par: Stéphane
Catégorie: Actualités
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