Aux prises avec des accidents répétés, la Ville de Calgary a pris les grands moyens pour prévenir la noyade en adoptant, il y a plus de 40 ans, ce qui est encore aujourd'hui la réglementation la plus sévère du pays. Le port du gilet de sauvetage est obligatoire sur tous les plans d'eau, sous peine d'amendes si lourdes qu'elles dépassent de six fois celles remises chez nous à un automobiliste qui ne porte pas sa ceinture. Les résultats sont frappants.La scène est inimaginable au Québec. Des centaines de plaisanciers qui descendent les rivières Bow et Elboy en bateau et en rafting par une belle journée d'été, 9 sur 10 porte un gilet de sauvetage. Le ratio dans la Belle Province, comme sur la plupart des cours d'eau du reste du pays, est plus près de l'inverse. La loi fédérale n'oblige les citoyens qu'à apporter un gilet avec eux à bord d'une embarcation, mais pas à le porter. Pourtant, 40% des morts par noyade impliquent un bateau, révèlent des chiffres de la Croix-Rouge. Dans 90% des cas, la victime ne portait pas de gilet de sauvetage et dans 85% des cas, elle était intoxiquée.
«C'est exactement comme conduire sa voiture après avoir bu et ne pas s'attacher en plus, illustre le sergent Ed Perkins, de l'unité marine de la police de Calgary. Il fut un temps où c'était acceptable, mais ce ne l'est plus aujourd'hui. Alors pourquoi n'applique-t-on pas la même logique en bateau?»
C'est la question que se sont posée les élus de la métropole albertaine au début des années 70, à une époque où le port de la ceinture de sécurité n'était même pas encore obligatoire en voiture. «Beaucoup de gens utilisaient de petites embarcations de plastique dans des eaux agitées et ils ne portaient pas de gilet de sauvetage, raconte Dorlene Hemm, coordonnatrice à la Ville. Il y avait plusieurs accidents, alors nous avons décidé d'agir.»
La réglementation sur la sécurité aquatique, célébrée par tous les organismes de prévention de la noyade du pays, a officiellement été adoptée en 1974 et amendée à maintes reprises depuis. Les peines sont extrêmement sévères. Ceux qui se font prendre sans leur gilet de sauvetage sur le territoire de Calgary doivent automatiquement comparaître devant un juge, qui peut leur imposer une contravention allant jusqu'à 500$ ou même des travaux communautaires. «C'est une punition lourde, alors les gens coopèrent», dit le sergent Perkins.
Si la règle ne fait pas l'unanimité - elle a été contestée plus d'une fois devant les tribunaux, qui l'ont toujours maintenue -, le policier assure que plus de 90% des plaisanciers portent néanmoins un gilet lorsqu'ils font du bateau. Mais est-ce que son service observe une réelle diminution du nombre de noyadesà Calgary? «C'est difficile à calculer, répond-il. Une chose est sûre, nous avons réussi à changer la culture des adeptes de bateau et ça, ça ne peut que réduire les risques de noyade. Nous avons des eaux froides et agitées qui diminuent de beaucoup les capacités de ceux qui y tombent. Ils ont bien plus de chances de s'en sortir avec un gilet.»
La Société de sauvetage voit les choses du même oeil. Tandis que sa section québécoise, comme l'ont déjà fait des coroners, réclame le port obligatoire du gilet de sauvetage dans la province, la section albertaine félicite Calgary pour son «sens de l'initiative» et son «progressisme».