Huit mille kilomètres en solitaire sur le cours de la Yukon River à travers le Canada et l'Alaska, puis sur les eaux froides de la mer de Béring entre Amérique et Asie pour accoster en Sibérie: Jean-Gabriel Chelala, le «globe-pédaleur» de 28 ans, entreprend la seconde et audacieuse partie de son tour du monde en troquant son canot à pédales contre un kayak.Parti de Paris le 13 janvier 2008, l'ingénieur en bâtiment franco-libanais et Breton d'adoption a traversé pendant 11 mois la France, l'Espagne, le Portugal, l'Atlantique, les Etats-Unis et une partie du Canada.Il a successivement avalé ces 18 657 km sur la selle d'un vélo «normal», dans l'habitacle d'un canot à pédales de 7,50 m et enfin du sud au nord des USA sur un vélo «couché».
En novembre dernier, immobilisé par l'arrivée du rude hiver canadien, Chelala avait mis un point virgule à son aventure inédite, à Whitehorse, sur les bords de la rivière Yukon.
Dans quelques jours, «Phileas Fogg junior» ne reprend pas la mer, mais la «Grande rivière» (Yukon River en langage des indiens Gwich'in), principale voie d'eau de la légendaire +Ruée vers l'or+ au XIXe siècle.
Il a abandonné son canot à pédales et s'embarque sur un kayak de mer biplace de 6 m de long, pour remonter, dans un premier temps, les quelque 3000 km du cours du 10e fleuve du monde, à travers le territoire canadien de Yukon puis l'Alaska américain d'Est en Ouest.
«Le pays des chercheurs d'or»«Le pédaleur se transforme en pagayeur, plaisante-t-il. Je n'avais pas le choix. Mon "cyclomer" était trop sensible aux vents et aux courants pour affronter, après la Yukon, la mer de Béring très instable et battue par des vents anarchiques.»
S'il réussit cette entreprise un peu folle à bord de son frêle esquif, entre l'embouchure de la Yukon River, dans la baie de Norton (Alaska), et la côte de la Sibérie orientale (plus de 4000 km en contournant la péninsule du Kamchatka) Chelala signera une «première».
Personne n'a jamais réalisé une «trans-Béring» en kayak et seul le détroit éponyme a attiré les aventuriers.
Le pont de son kayak de mer biplace de 60 kg, a été rehaussé de 10 cm pour affronter les vagues. Jean-Gabriel pagaye dans le poste de poupe, celui de proue étant condamné. Un habitacle de 1,80 m a été aménagé dans la coque pour dormir, ainsi qu'un coffre pour ses 40 kg de bagages. Une bulle amovible et étanche, fixée comme un couvercle hermétique sur le trou de pilotage, protège le kayakiste pendant son sommeil.
«A la force humaine, physique et mentale, sans voile et sans vapeur, uniquement avec la tête, les bras et les jambes...», c'est le credo de ce jeune aventurier menu, au regard discret derrière ses sages lunettes d'intellectuel. Il n'a pas la tête de l'emploi, mais il «part où personne ne part», avec la détermination, la force et l'endurance du sherpa.
«Je m'embarque cette fois pour une "terra incognita" avec un moyen de locomotion que je connais peu, dit-il avec sérénité. De Paris à Whitehorse, je suis resté sur les sentiers battus, y compris dans l'Atlantique. J'entre dans le pays des chercheurs d'or et des trappeurs, des immenses forêts, des ours et des loups. Le pays de l'aventure.»
Paris est encore à ... 20 000 km.