(Québec) Les scientifiques ont détecté les premiers symptômes du réchauffement appréhendé des eaux de l'Antarctique. S'ils persistent, ils s'avéreront les signes précurseurs d'un mal généralisé pour la planète.La nouvelle est d'autant plus préoccupante que, jusqu'à maintenant, l'Antarctique avait résisté aux projections des modèles de changements climatiques. Du moins jusqu'à ce qu'une équipe internationale de scientifiques, menée par les Australiens, réalise un projet dans le cadre de l'Année polaire internationale (API). Plusieurs bateaux sont allés mesurer le taux de salinité de l'eau alors que se forme la glace.
Ils ont découvert que l'eau était moins salée que dans les échantillonnages passés, révèle David Carlson, directeur des programmes internationaux de l'API, en entrevue au Soleil. Qu'est-ce que ça implique? Quand la glace se forme, elle utilise de l'eau douce. L'eau qui reste est plus salée et, donc, plus dense. Elle coule au fond, se refroidit, puis circule dans les autres océans où elle agit comme liquide refroidissant (comme de l'antigel dans un radiateur pour éviter que le moteur ne surchauffe).
Aux premiers jours d'un phénomène«Est-ce global ou seulement à quelques endroits? Est-ce que ça va se reproduire? Il faut éviter de sauter aux conclusions. Il arrive que la science se trompe, mais la population comprend qu'il s'agit de phénomènes complexes», indique M. Carlson, un expert américain de l'interaction des océans qui participe à la conférence Arctic Net, à Québec.
Mais il ajoute que nous sommes peut-être aux «premiers jours» d'un phénomène qui concorderait avec les modèles de changements climatiques.
Si c'est le cas, «il y aurait des conséquences sur le climat, sur l'échange de carbone et sur la biodiversité». Comment? L'augmentation de la température réchauffe l'eau, qui fait fondre plus de glace et devient donc plus douce. S'il y a moins d'eau qui descend dans les fonds marins parce que moins salée, il y a moins d'eau qui remonte vers la surface. En remontant, celle-ci transporte les nutriments essentiels à la prolifération de la vie aquatique, qui absorbe en cours de route beaucoup de gaz carbonique (CO2).
Résultat : moins de CO2 dans l'eau, plus de CO2 dans l'atmosphère; plus de gaz à effet de serre dans l'atmosphère, plus de réchauffement du climat et... de l'eau. Bref, un cercle vicieux. Déjà que la planète se réchauffe plus vite que prévu, l'accélération pourrait être fulgurante.
La biodiversité en souffrirait aussi, parce que le courant sous-marin de l'Antarctique joue un rôle de premier plan dans la circulation de la biodiversité dans les différents océans de la planète.
Spécialistes en alerteLes quelque 800 spécialistes des questions polaires, réunis à Québec cette semaine, s'inquiètent beaucoup du financement des recherches à la fin de l'API, dans quelques mois, et du manque de répercussions de leurs découvertes dans les discussions sur les changements climatiques, comme celles qui se déroulent en ce moment à Poznan, en Pologne.
Devrions-nous nous en inquiéter, nous aussi?