Rêve de glace : le passage du Nord-Ouest en kayak de mer
Antoine Stab - Soumis le 6 Mars 2013, 22:36
Le 15 juillet prochain, deux explorateurs québécois, Sébastien Lapierre et Olivier Giasson, se lanceront à l’assaut du mythique passage du Nord-Ouest en kayak de mer. Un défi inédit de 3500 km, entre Tuktoyaktuk et Igloolik, qu’ils espèrent réaliser en moins de 80 jours, mais qui n’effraie pas ces deux amoureux du froid arctique, après leur traversée du Groenland en ski de fond, en 2010. Sébastien Lapierre nous parle de cette expédition, Rêve de glace 2013, qui se veut aussi un coup de projecteur sur les effets du dérèglement climatique et son impact sur les communautés Inuites.
Comment vous est venue l’idée de cette expédition ?
Olivier Giasson et moi sommes des amateurs de l’hiver et de l’Arctique. En revenant de notre expédition de 2010 au Groenland, on avait déjà l’envie de repartir. Mais où ? Après réflexion, on s’est dit que, quitte à retenter une expédition, autant le faire au Canada. On a entendu parler du passage du Nord-Ouest aux actualités. Après une étude de faisabilité, on s’est décidé à s’y aventurer cet été, en kayak de mer. Certains l’ont déjà emprunté en bateau, mais jamais en kayak. Ça va être une première mondiale !
Serez-vous en autonomie totale durant le voyage ?
Nous serons que deux à y prendre part. Nous allons transporter notre matériel. Nous ne pourrons pas emporter des tonnes d’équipements en kayak. On a prévu de se ravitailler dans dans 5 villages (Paulatuk, kugluktuk, Cambridge Bay, Gjoa Heaven et Taloyoak), en nourriture et en carburant pour le réchaud, pour pouvoir tenir les 80 jours. Tout est planifié avant notre départ. On a étudié les cartes topographiques pour déterminer où passer la nuit sur la rive et trouver de l’eau douce. Ce volet logistique et préparatoire est aussi intéressant que le voyage en lui-même.
Quel en est le but ?
Outre le défi sportif évident, on veut apporter un regard direct, un éclairage sur les communautés inuites du Canada, leur mode de vie, la façon dont le réchauffement climatique et le Plan Nord les affectent. Ils sont trop souvent oubliés des considérations politiques, économiques et médiatiques. On veut également appuyer le fait que cette expédition est possible par la libération des glaces de l’Arctique, un peu plus chaque année. Tout est dit et son contraire sur le changement climatique, mais on en observe un effet concret sur cette zone du monde si fragile.
À quels types de défis allez-vous devoir faire face ?
Embarquer dans ce genre d’aventure demande de l’imagination pour faire face à toutes sortes de problématiques et d’imprévues. Cela nécessite des connaissances de base sur l’équipement, la survie… Mais on a déjà identifié plusieurs difficultés qui vous se poser. D’abord climatiques. On va devoir gérer notre progression en fonction de la fonte estivale du couvert de glace. Il va falloir trouver le timing parfait : ne pas aller trop vite pour ne pas devoir attendre, ne pas aller trop lentement pour être pris dans les glaces. Nous naviguerons au royaume de l’ours polaire. Et comme cela va être impossible de faire des tours de garde la nuit, il est indispensable de quoi s’équiper pour se prévenir d’eux : détecteurs, armes à feu…
A contrario, quels sont vos espoirs, vos attentes, vos rêves pour cette aventure ?
Dans l’Arctique, il existe une faune quasi « mythique », comme le narval, ou « licorne des mers », un animal fascinant mais très peu observé. En apercevoir un, ça serait au-delà de toute espérance. Si je veux être plus réaliste, je dirais que je suis impatient d’admirer les paysages uniques au monde, les couchers de soleil, cette visibilité incroyable propre à cette région et où je m’y sens bien. C’est aussi pour cette raison que l’on part là-bas, pour y vivre ce plaisir égoïste d’être les seuls au monde à contempler cette nature.
Pour dépasser ce « plaisir égoïste », quelle suite allez-vous en donner ?
On a deux projets de films. D’abord sous la forme d’une web série, plusieurs capsules vidéo sur l’équipement, le paysage, la nourriture… Cela va permettre aux internautes, qui pourront aussi voir notre progression sur la carte du site, de nous suivre au quotidien. À notre retour, on veut réaliser un documentaire à partir des images que l’on aura tournée dans les communautés inuites et pourquoi le projeter dans des festivals de films d’aventure.
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